"Aimer les chiens et les chats tout en plantant nos fourchettes dans des vaches et des poulets" et idée de trouble dissociatif


En tentant de cerner l'animalité de l'homme à partir de son rapport à l'autre animal, ce qui frappe d'emblée c'est la diversité des rapports de l'animal humain à l'animal « non-humain » : une diversité au sein d'une culture, d'un groupe, d'un individu-même. Cette diversité de considération de l'animal chez l'homme a été traduit chez Gary Francione par l'idée de schizophrénie morale. Il s'agit pour lui de dénoncer le fait que « nous » pouvons défendre les bébés phoques mais continuer à manger du jambon:

« Le spécisme consiste également à discriminer les animaux entre eux. Vous êtes spéciste si, d'un coté, vous protestez contre le fait de tuer et de consommer des chiens et des chats en Asie, et contre la chasse aux bébés phoques ou à la baleine mais, d'un autre coté, vous acceptez le fait de tuer et de consommer des vaches et des cochons, ainsi que la chasse à la perdrix ou la pêche à la carpe. Vous êtes spéciste parce que vous privilégiez certaines espèces (les chats, les chiens, les bébés phoques ou les baleines) parce qu'elles sont « mignonnes » et « sympathiques », donc sur la seule base de leur appartenance à une espèce. C'est ce que Gary Francione appelle très justement la schizophrénie morale, qui consiste à aimer les chiens et les chats tout en plantant nos fourchettes dans des vaches et des poulets » (extrait de L'éthique animale, JB Jeangene-Vilmer, PUF, 2008, p.47 s.).

Le choix du terme de schizophrénie est discutable (d'abord parce qu'elle prend pour comparatif une pathologie humaine qui est déconnexion d'avec le réel), nous lui préférerons l'idée plus appropriée de trouble dissociatif.

Remarquons que pour Francione, le spécisme des « défenseurs des animaux » (exemple de PETA) est insupportable : tenir une position de lutte contre une forme particulière d'exploitation de l'animal (la production de fourrure) n'a de sens que si on lutte contre toutes les formes de cette exploitation et d'abord la consommation animale: on ne peut être réellement défenseur qu'en étant vegan/végétalien et en défendant cette position (pour Francione, si on accepte l'idée qu'il y a une souffrance animale et si on souhaite la minimiser, on ne peut être que vegan*).

Nous ne souhaitions pas discuter plus cette idée avancée par Francione, mais expliciter notre démarche par une idée qui s'en approche, sans pour autant en accepter les conclusions. Autrement dit, nous prenons au sérieux le trouble dissociatif à la base de notre relation à l'animal (et nous chercherons par ce blog à le documenter) sans en appeler aussitôt à devenir végétalien.

*Voir son site « the abolitionist approach … and abolition means veganism » / www.abolitionistapproach.com